
Le secret du sourire
Le sourire, présent dans toutes les cultures, est
un élément important de la communication humaine. Considéré comme inné
et génétiquement déterminé, il apparaît très tôt dans le développement
de l'enfant et est ensuite renforcé par les interactions sociales. Les
nourrissons comprennent très vite que, s'ils sourient, ils provoquent en
général un sourire chez l'autre.
De même, en tant qu'adultes, nous
corrélons les expressions faciales de nos congénères avec nos propres
expressions : percevoir l'agressivité d'une personne à qui nous sourions
est plus difficile à vivre que si nous avons nous même initié cette
agressivité. Ainsi, pour vivre en société, il est nécessaire non
seulement d'interpréter les expressions faciales des autres personnes
mais également d'être capable de les corréler avec notre propre
comportement.
Cependant, si de nombreuses études se sont penchées sur la
reconnaissance faciale des émotions, aucune jusqu'à présent n'avait
cherché à savoir comment le cerveau intègre ses propres expressions. Le
docteur Rony Paz et son équipe de chercheurs à l'Institut Weizmann
(Rehovot, Israël), ont cherché à pallier ce manque.
L'idée : mettre face
à face deux singes séparés par une fenêtre opaque. De temps à autre, la
fenêtre devenait claire, permettant aux deux singes d'interagir pendant
quelques secondes par le biais d'expressions faciales.
Au cours de
cette expérience, l'activité neuronale des cobayes a été enregistrée,
ceci afin de pouvoir corréler cette dernière avec leurs interactions
sociales. Les chercheurs se sont concentrés sur deux aires cérébrales
connues pour être impliquées dans les processus émotionnels : l'amygdale
ainsi qu'une région spécifique du cortex.
Le rôle de l'amygdale
Lors de cette expérience, dont les résultats ont été publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), les chercheurs ont identifié trois principales expressions faciales :
1. une expression positive, sous forme d'un baiser et d'une contraction des muscles entourant les lèvres ;
2. une expression menaçante, caractérisée par un haussement des sourcils et de rapides mouvements des yeux ;
3. une expression neutre, observée en l'absence d'interactions sociales, quand la fenêtre était opaque.
En corrélant l'activité neuronale avec ces trois grands types de
comportements, ils ont découvert que l'amygdale possédait l'information
sur l'émission d'un sourire, avant même que celui-ci ne soit présent.
Ceci proviendrait d'une connexion directe entre l'aire motrice
responsable du sourire et l'amygdale.
L'amygdale et le cortex peuvent
ainsi aisément intégrer les expressions faciales des congénères avec nos
propres expressions, et nous renseigner sur la situation sociale.
Les bases pour un modèle neuronal de l'autisme
L'équipe du docteur Rony Paz envisage deux principales
orientations pour la suite. La première serait d'examiner si les mêmes
circuits neuronaux sont impliqués dans l'apprentissage social. Cette
procédure d'apprentissage, très étudiée chez les primates, implique que
l'animal apprenne en observant ses pairs.
Comme dans le cas des
expressions faciales, un tel apprentissage demande donc que l'animal
soit capable de corréler les actions d'un ou plusieurs congénères avec
les siennes. D'où l'hypothèse que les circuits neuronaux mis en évidence
dans cette étude pourraient être impliqués dans l'apprentissage social.
Une autre suite possible serait d'utiliser ces résultats pour mieux
comprendre les maladies neuropsychiatriques à l'origine de troubles de
la communication, telles que l'autisme.
En effet, il a été montré que les circuits neuronaux considérés dans cette étude sont déficients chez les autistes, mais aucun modèle pour étudier ces réseaux n'était disponible. La présente étude constitue donc une base pour l'élaboration d'un modèle neuronal de l'autisme.