Parachat Terumah

Une découverte surprenante grâce aux beignets

Il y a dix ans, Rav Binyamin Scheiman, émissaire du Rabbi dans la ville de ‘Des Plaines’, dans le sud de l’Illinois, se rendit peu avant ‘Hanouccah dans la prison de haute sécurité de Chester.

Avant chaque fête juive, il visitait toutes les prisons de la région pour apporter aux prisonniers des journaux et fascicules d’explications : pour les détenus, c’était une bouffée d’air pur, d’air saint qu’ils attendaient à chaque fois avec impatience.

«Cette fois, je suis arrivé avec les guides de ‘Hanouccah, joliment décorés et remplis d’explications, de rappels historiques et de schémas permettant de comprendre comment allumer les bougies et comment célébrer la fête dans la joie. J’ai d’abord contacté l’aumônier de la prison, Mike Green, pour lui demander la permission de distribuer les fascicules.

Mike a 43 ans et c’est un prêtre protestant. Mais il entretient des relations cordiales avec les détenus juifs. Un jour, il avait même écrit dans le journal de sa paroisse que, puisque D.ieu avait promis à Abraham dans la Genèse : «Je bénirai ceux qui te bénissent», il en résultait que ceux qui bénissaient les descendants d’Abraham seraient bénis : il convenait donc de bénir les Juifs.

Mike conservait même dans son bureau des Téfiline, au cas où l’un des prisonniers désirerait les mettre.

Je lui ai montré les fascicules avec l’histoire de ‘Hanouccah, les lois et coutumes de la fête, le guide précis de l’allumage. La dernière page était consacrée à la recette des beignets : à la confiture, au chocolat, au fromage… et aux pommes de terre, les fameux latkes frits à l’huile.

Le prêtre regarda avec attention chaque page, surtout celle des recettes : cela ne m’étonna pas outre mesure car, à en juger par son gabarit impressionnant, il était évident que Mike s’y connaissait en gastronomie…

En me rendant le fascicule, il remarqua, comme s’il se parlait à lui-même : «Ils ressemblent tout à fait à ceux de ma grand-mère !». Cette phrase éveilla bien sûr ma curiosité et je lui demandai – plus ou moins innocemment : «Votre grand-mère était-elle aussi une dévote protestante ?».

Il me répondit avec simplicité que sa grand-mère avait été juive mais elle et son mari (qui, lui, était un fervent protestant) avaient préféré cacher son identité juive ; ils étaient morts quand Mike était encore un enfant mais il se souvenait avoir visité avec elle des cimetières juifs et surtout il se souvenait de l’odeur des latkes qu’elle préparait à l’occasion de ‘Hanouccah.

Il ajouta avec un certain humour : «J’ai toujours aimé raconter que j’étais un quart juif puisqu’à part ma grand-mère, mes trois autres grands-parents étaient d’origine irlandaise !»

En l’écoutant attentivement, j’ai réalisé que, de fait, l’aumônier que je connaissais si bien et avec qui j’entretenais d’excellentes relations, était juif. J’avalai ma salive et choisis avec soin mes mots pour lui faire réaliser qu’il était pleinement juif puisque la mère de sa mère était née juive et l’était restée - quels qu’aient été ses choix dans la vie.

De plus, elle avait transmis cette identité juive à sa fille et aux enfants de celle-ci. Mike n’était donc pas un quart juif mais juif à part entière : en effet, il est bien connu que le judaïsme se transmet par la mère.

Effectivement, comme je m’y attendais, le prêtre resta bouche bée.

Mais je ne perdis pas de temps et lui proposai donc de mettre immédiatement les Téfiline. Il accepta volontiers et je nouai les lanières autour de son bras gauche et de sa tête en lui faisant répéter la bénédiction et le Chema Israël. Très ému de devenir ainsi Bar Mitsva, Mike s’inquiétait déjà de la contradiction criante entre son travail et sa nouvelle-vieille identité religieuse retrouvée.

Quant à moi, je décidai de m’assurer de la véracité de ses dires. Mike m’avait donné l’adresse d’une de ses tantes qui vivait dans la ville de Peoria, à l’autre bout de l’Illinois : je contactai le Chalia’h (émissaire du Rabbi) dans cette ville, le Rav Eli Langsam qui se rendit avec Mike chez cette tante.

La vieille dame affirma qu’elle se souvenait très bien de la Brit Mila de Mike qui avait reçu à cette occasion les prénoms Mordé’haï Haïm ! Elle se hâta cependant de prévenir Mike de ne pas causer de choc à son père qui, certainement, se mettrait en colère. Mike répondit qu’il était maintenant un adulte et saurait comment révéler à ses parents qu’il se rapprochait du judaïsme.

Petit à petit, il observa de plus en plus de commandements de la Torah et les réactions dans sa famille étaient pour le moins contrastées. Ses anciens «collègues» ainsi que les prisonniers dont il avait l’habitude de s’occuper ne l’aidèrent évidemment pas à progresser dans sa nouvelle voie.

Celle-ci était loin d’être évidente puisqu’il devait d’une part, apprendre de nouveaux concepts avec une nouvelle façon de vivre et, d’autre part, se débarrasser de ses croyances précédentes.

Et sa femme ? Quand elle apprit que son mari était, de fait, juif, elle déclara qu’elle comprenait maintenant pourquoi il adressait souvent des dons à d’importantes organisations juives.

Mike ne se contenta pas de retrouver le judaïsme mais il demanda à son supérieur hiérarchique la permission de continuer son travail mais, cette fois, en tant qu’aumônier juif ! Cela lui fut accordé après de multiples tractations.

Et tout ceci, grâce aux latkes d’une grand-mère !» conclut Rav Scheiman avec un grand sourire.

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