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Anya Gold, l’aînée de leur huit enfants, avait
été choisie par ses parents pour quitter la Pologne et s’établir aux
Etats-Unis : ils avaient économisé sou après sou pour payer ce voyage.
Au moins un de leurs enfants écha
pperait
aux pogromes, à la pauvreté et au désespoir qui guettait les Juifs
d’Europe. Elle serait bientôt rejointe par sa famille, lui promit-on.
A Baltimore, Anya trouva refuge chez une tante, attentive et
affectueuse. Elle ne manquait de rien, si ce n’est l’essentiel : sa
propre famille.
Alors que les parents avaient pratiquement réussi à
économiser assez d’argent pour un second billet, ils furent rattrapés
par les Nazis. Anya, qui avait reçu plusieurs lettres de Pologne
auparavant, cessa brusquement d’en avoir. Craignant le pire, elle
n’osait plus espérer mais ce n’est qu’après la guerre qu’elle apprit de
la bouche de rares survivants ce qui s’était passé : toute sa famille
avait été déportée, nul n’était revenu de l’enfer. Elle était la seule
survivante.
La terrible nouvelle lui brisa le cœur. Mais elle devait
vivre, vivre pour eux. Elle n’avait plus de famille : elle devait créer
la sienne ! Elle se marierait et aurait beaucoup d’enfants auxquels
elle donnerait les noms de ses parents, frères et sœurs disparus à
jamais.
Elle épousa Sol, un homme admirable avec qui elle pouvait
tout partager : les joies comme les peines, les réussites comme les
échecs. Mais une chose manquait à leur bonheur : ils n’avaient pas
d’enfants et les spécialistes consultés ne leur laissaient aucun espoir.
« Et si nous adoptions un enfant… ? » finit par suggérer Anya. Elle y
pensait depuis longtemps mais s’y était toujours refusée : elle aurait
tant voulu s’occuper d’un enfant à elle, mais il n’y avait pas d’autre
solution. Son mari qui, bien sûr, y avait pensé depuis longtemps, fut
heureux de l’entendre : « Oui, je me suis déjà renseigné, il y a un
organisme juif à New York ! »
Il se rendirent à New York, le cœur
battant. On les avait informés qu’un bébé venait d’être abandonné à la
naissance par sa mère, une adolescente juive en détresse. Mais à leur
arrivée, on s’excusa : la grand-mère avait décidé d’adopter le bébé et
elle était, bien sûr, prioritaire.
Ils étaient donc venus à New York pour rien ?
« Si vous voulez, dit la fonctionnaire, je peux vous proposer une
adorable petite fille de huit ans, Myriam, elle a terriblement besoin de
retrouver une famille ».
C’était vrai, Myriam était charmante mais elle avait déjà huit ans, une histoire, des souvenirs…
« Non, dit Anya, je voudrais tellement un bébé qui me connaîtrait comme
si j’étais sa mère, que je pourrais bercer dans mes bras… »
- « Je
comprends, dit la fonctionnaire, mais la petite Myriam a tant souffert
dans sa vie qu’elle mérite de retrouver une vie de famille normale ».
- « Désolée, dit Anya, je préfère attendre une autre occasion ».
Un an passa. Anya avait contacté d’autres agences à travers tous les Etats-Unis mais aucun bébé, juif n’était proposé.
« Nous avons peut-être été trop rapides dans notre décision : cette
petite Myriam était vraiment adorable et je n’arrête pas de penser à
elle. Téléphonons à l’agence : peut-être est-elle toujours-là… »
Oui, elle n’avait toujours pas été adoptée.
« Mais il y a une petite
complication, expliqua la responsable de l’agence. Son petit frère a été
retrouvé dans un orphelinat en Europe. Bien entendu, les deux enfants
ne veulent plus se séparer et il faudra adopter les deux ensemble. Qu’en
pensez-vous ? »
Anya et Sol retournèrent à New York. Une fois de
plus, Anya fut impressionnée par les bonnes manières de Myriam : son
petit frère Moché était également adorable.
« Oui ! » dirent en chœur Anya et Sol.
De retour à Baltimore, Anya fit entrer les enfants dans leur nouveau
foyer : ils regardaient avec de grands yeux étonnés les meubles et les
tapis, les napperons et les cadres… Soudain Myriam s’arrêta devant le
piano et pâlit. Elle montrait du doigt une photo. D’une voix tremblante
elle demanda : « Pourquoi la photo de ma grand-mère se trouve-t-elle ici
? »
- « Comment ? » dit Anya, troublée.
- « Ma grand-mère ! D’où avez-vous sa photo ? »
Anya contempla le portrait de sa mère, assassinée dans des circonstances si terribles. De quoi parlait cette petite fille ?
Myriam se précipita vers la valise qu’elle avait apportée de
l’orphelinat. D’une enveloppe usée, elle retira une photo flétrie et la
montra à Anya : « Vous voyez ? Je possède la même photo ! Ma grand-mère !
»
- « Ma mère ! » murmura Anya, bouleversée.
- « Voulez-vous voir la photo de ma mère ? » dit Myriam en montrant une autre photo.
- « C’est Sara ! » s’écria Anya tandis que ses genoux s’entrechoquaient.
- « D’où connaissez-vous le nom de ma mère ? » demanda Myriam qui n’y comprenait plus rien…
Sans le savoir, Anya avait adopté les deux enfants survivants de sa
sœur Sara. Ils étaient la chair de sa chair. Ils devinrent ses propres
enfants…
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