

Un Lag Baomer INOUBLIABLE
C’était un
dimanche et une gigantesque parade se préparait devant le 770 Eastern
Parkway à Brooklyn, le quartier général mondial du mouvement
‘Habad-Loubavitch.
Comme on évaluait que la foule y serait très
nombreuse, le Rav Dworkin, le rav du quartier de Crown Heights à
l’époque, avait décidé que les couples qui désiraient recevoir en ce
jour spécial une bénédiction du Rabbi pour mettre au monde des enfants
attendraient devant la maison personnelle du Rabbi, au 1304 President
Street à quelques encablures de là.
Il fallait donc y assurer également
un « service d’ordre » et il fut décidé que les jeunes gens mariés
étudiant au Kollel s’en chargeraient.
« Par nature, je n’étais
pas du genre à pousser les gens pour les forcer à bouger, explique Reb
Alter Bukiat.
On me nomma donc “responsable de la portière” de la
voiture : dès que le Rabbi aurait béni tous les couples qui se
pressaient devant sa maison, je devrais ouvrir la portière de la voiture
et la refermer immédiatement dès que le Rabbi se serait installé en
veillant à n’écraser les doigts de personne, afin que le conducteur
puisse démarrer rapidement et ne pas faire perdre de temps au Rabbi.
Jamais je n’oublierai ce moment. Il y avait là de très nombreux couples
: des ‘hassidim Loubavitch certes, mais aussi d’autres communautés,
‘hassidiques ou non, et certains qui n’avaient pas du tout le “look”
pratiquant.
Le Rabbi sortit de sa maison à 10 h. Mais il ne
parvint à sa voiture – pourtant garée exactement devant son domicile –
qu’à 10 h 20. Entretemps, on entendit des cris et des pleurs. À certains
couples, le Rabbi accorda sa bénédiction, quant à d’autres...
il
semblait que le Rabbi ne les avait pas entendus et ceci était à
l’évidence un signe amer.
C’est alors qu’arriva mon tour. Le
Rabbi s’approcha de la voiture, j’ouvris prestement et largement la
portière malgré la pression de la foule autour de moi. Je tenais la
portière de toutes mes forces afin qu’elle ne retombe pas brusquement
sur le Rabbi, à D.ieu ne plaise.
Le Rabbi entra, s’assit à sa
place habituelle et je m’apprêtais à refermer la portière. C’est alors
qu’un ‘hassid de Satmar se poussa de toutes ses forces, m’empêchant de
refermer la portière : il expliquait au Rabbi qu’il était marié depuis
déjà de longues années, qu’il n’avait pas d’enfants...
Il donna son
prénom et celui de sa mère, celui de son épouse et de la mère de
celle-ci... Autour de nous, la pression de la foule était si intense que
j’avais peur de l’écraser et que j’étais obligé de retenir la porte
d’un effort surhumain.
Le Rabbi lui accorda sa bénédiction
puis, soudain, continua en le regardant avec un grand sourire :
“L’enfant aura besoin de quelqu’un avec qui jouer... ”
Le
hassid de Satmar ne comprit pas tout de suite ce que cela signifiait et
le Rabbi continua alors : “Dites Amen ! ” À ce moment, le jeune homme
comprit, se reprit et s’empressa de répondre, de crier même “Amen ! ” Il
“sortit” enfin de la voiture et je pus refermer la portière.
Jamais je n’avais entendu le Rabbi s’exprimer de la sorte !
Le temps passa, je partis en Chli’hout, en mission de la part du Rabbi, à Boston.
24 Mena’hem Av 5759 (1999)
C’était le jour anniversaire de mon père, Reb Haïm Meir de mémoire
bénie. Il est enterré au cimetière Montefiore à Queens, non loin du
“Ohel” du Rabbi.
J’avais décidé de quitter Boston le soir,
d’arriver à New York vers 5 h du matin, de me rendre au Ohel puis sur la
tombe de mon père et de repartir pour reprendre mon travail à Boston à 9
h du matin.
Effectivement, je parvins à réciter les prières
traditionnelles au Ohel du Rabbi. J’étais tout seul, vu l’heure étrange.
Soudain, on frappa à la porte – comme le demande la tradition – et un
‘hassid de Satmar entra avec deux jeunes garçons. À une heure pareille ?
Ma curiosité augmenta : tous trois lurent les lettres qu’ils avaient
préparées puis le père demanda à ses enfants de lire le Maamar ”Ita
Bemidrach Tilim”, le discours hassidique qu’on récite chez Loubavitch le
jour de la Bar Mitsva. Je les regardai, étonné ; ils me regardèrent eux
aussi.
Nous nous rencontrâmes de nouveau devant la machine à
café, dans le bâtiment qui jouxte le cimetière. Je ne pus me retenir de
leur poser des questions sur leur venue à cette heure peu habituelle. Le
père me répondit : “Ces enfants sont les enfants que j’ai eus grâce à
la bénédiction du Rabbi...
J’étais marié depuis de nombreuses années ;
un jour – malgré les dissensions qui existaient à cette époque entre
Satmar et Loubavitch –, je décidai de demander la bénédiction du Rabbi.
Je réussis à m’approcher, demandai une bénédiction pour un enfant et le
Rabbi ajouta : ‘L’enfant aura besoin de quelqu’un avec qui jouer ! Dites
Amen !’ Et grâce à cette bénédiction, mon épouse a mis au monde ces
jumeaux.”
Je me rappelai distinctement tous les détails de
cette scène : “N’était-ce pas à Lag Baomer ? N’était-ce pas pratiquement
à l’intérieur de la voiture, devant le domicile du Rabbi ? En 1984 ? ”
Incrédule, le ‘hassid de Satmar me dévisagea encore plus attentivement : “Effectivement ! Mais comment le savez-vous ? ”
— C’est moi qui tenais la portière de toutes mes forces. Et j’ai entendu distinctement les paroles du Rabbi.
— Maintenant je comprends. Votre visage ne m’était pas inconnu, mais je
ne parvenais pas à me rappeler... Comme vous le voyez, j’ai eu des
jumeaux qui sont nés environ deux ans après ce fameux Lag Baomer. Et
aujourd’hui, c’est le jour de leur Bar Mitsva ! Je n’ai pas eu d’autres
enfants. Ce sont les enfants du Rabbi ! »
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