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L’éclair et les étincelles

Hanouka


Chez les Asmonéens, les artisans de la révolte célébrée à Hanouka, nous constatons une rare synthèse entre deux données apparemment antinomiques: le courage et la vertu.

Juda Maccabée, son père Matitiahou, ses frères ainsi que leurs compagnons lors de cette glorieuse épopée, étaient sans exception dotés d'un grand courage, d'une grande force physique et d'une grande finesse stratégique. 

Parallèlement, ils possédaient une foi sincère en Dieu, vivaient dans un monde de sainteté et se trouvaient très versés dans l'étude de la Tora.

Le Livre des Asmonéens - dont l'auteur est resté anonyme - nous relate avec une grande honnêteté l'histoire de cette période mouvementée. Dans cette chronique Juda Maccabée est comparé à un lion d'une puissance irrésistible. 

Ses compagnons étaient sans doute d'une force semblable, car comment comprendre qu'une "poignée d'hommes" ait pu mettre en déroute la redoutable armée grecque qui, à cette époque, volait de conquête en conquête à travers le monde et s'était imposée comme la première puissance coloniale.

Pourtant, au lieu de festoyer, comme on pouvait s'y attendre après une telle victoire, les Asmonéens choisirent de consacrer les premiers instants de la délivrance nationale à la restauration du Temple de Jérusalem, jusque-là bafoué et pillé par les armées grecques.

Au lieu de célébrer leur succès dans la débauche, ils décidèrent donc de ranimer la flamme de la spiritualité du peuple d'Israël, cette flamme qui devait jaillir de la Tora et qui, sous la dominaiton de la nation hellénique, a complètement vacillé.

 Mais pour ce faire, il leur a fallu retrouver auparavant la fameuse fiole d'huile sanctifiée. 

Or, désireux de permettre aux Maccabées d'accomplir cette Mitzva [commandement] dans sa plénitude, Dieu fit le miracle resté célèbre qui va permettre au contenu de cette fiole de servir, non pas une journée, mais huit jours: le temps nécessaire à la fabrication d'une nouvelle huile pure.

Nos sages se sont longuement interrogés sur la "nécessité" de ce miracle.

En effet, d'après la tradition confirmée par les règles de la Halacha [les commandements de la Loi juive], en l'absence d'huile pure, on aurait pu utiliser, en cas de force majeure, toute huile. Nos Sages répondent à cette contradiction en affirmant que c'est justement le fait que le miracle ne s'imposait pas, qui prouve sa véritable valeur.

En intervenant directement, l'Eternel a voulu reconnaître et grandir davantage encore l'action menée par les Asmonéens, ainsi que proclamer aux yeux du peuple qu'en affrontant Athènes, ces hommes inspirés et valeureux n'avaient rien fait d'autre que de suivre la voie divine.

Dans Ner Mitzva, ouvrage consacré à la fête de Hanouka, le Maharal de Prague affirme que ce miracle a constitué une sorte de confirmation divine certifiant que la campagne glorieuse des Maccabées était non seulement une écrasante victoire militaire, mais bien aussi le fruit d'une intervention de la Providence.

Certes, toutes les étapes de cette campagne victorieuse peuvent être facilement traitées et analysées sous les angles stratégique, tactique et politique, mais il n'en demeure pas moins qu'en filigrane, la volonté divine reste omniprésente dans la trame de cette histoire.

Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, le peuple d'lsraël était désuni et qu'en son sein, les Asmonéens avaient de nombreux opposants qui considéraient leur démarche comme insensée, dangereuse et sans espoir.

Même lorsque ces combattants hébraïques sont revenus tout aureolés de leurs succès, il s'est encore trouvé des "détracteurs-rationalisateurs" pour estimer que cette campagne contre l'occupant grec fut une erreur et pour prétendre que la victoire n'était guère plus que le résultat d'un heureux "concours de circonstances" .

 Il s'est donc avéré indispensable de faire taire ces critiques plus ou moins directes C'est alors que Dieu dut intervenir ouvertement.

Grâce au miracle de la fiole, le Créateur a souhaité éclairer sous un angle plus spirituel les évènements guerriers qui venaient d'être vécus par les Maccabées. 

Il fallait faire comprendre au peuple tout entier que Dieu était lui-même déjà intervenu dans le combat de ces héros, notamment à travers leur courage et leur savoir faire stratégique.

Et de fait, nous constatons que cette synthèse de courage et de sainteté est remarquablement exprimée dans le texte intercalaire "Al Ha-Nissim" inséré dans la prière du "Shemona Esré" pendant la fête de Hanouka lequel fait mention de "gens saints, des étudiants de ta Tora". Mais malheureusement, cette heureuse synthèse a été rompue tout au long de l'exil.

En diaspora, nous pouvions en effet croiser des personnages courageux, doués et férus en organisation, mais la plupart d'entre eux manquaient de noblesse, de pureté et de vertu.

Inversement, les justes, les hommes au caractère noble et les purs esprits étaient souvent des gens dotés d'une personnalité effacée, incapables d'initier le moindre projet et d'intervenir efficacement dans la trame de l'histoire.

Par contre, force est de remarquer que les personnages les plus célèbres du judaïsme d'avant l'exil étaient tous des "personmalités synthétiques" qui parvenaient à conjuguer courage et vertu.

Le patriarche Abraham était le chevalier de la foi et de l'obéissance à Dieu. Il était en effet capable de s'effacer pour accomplir la volonté de son Créateur.  

Mais c'était aussi un riche notable qui, le cas échéant savait partir en guerre contre des rois puissants. Défini par nos Sages comrne une "parfaite offrande", son fils Isaac était lui aussi un homme qui savait creuser des puits, qui a su s'installer avec un courage farouche en Eretz Israël, et dont les récoltes agraires étaient cent fois plus importantes que celles des autres cultivateurs. 

Jacob quant à lui était celui qui rêvait d'anges, mais aussi l'éleveur infatigable qui avait accepté de travailler chez son intraitable beau-père Laban. Parallèlement, ce même Jacob fut aussi celui qui conquit la ville Schhem (Naplouse).

Plus tard dans notre histoire nationale, Moïse notre maître fut l'homme qui put monter au firmament pour y recevoir la Tora. Son niveau spirituel le rendit capable de ne pas se nourrir pendant quarante jours.  

Mais en même temps, c'était lui qui avait su forger la trempe du peuple hébreu, qui l'avait conduit pendant quarante ans dans ses pérégrinations au désert et qui avait combattu Sihon et Og - dont le territoire se situait d'ailleurs sur l'actuel plateau du Golan...

Son disciple, Josué, est le dépositaire authentique de tout cet héritage spirituel - comme l'explique noir sur blanc la première Mishna du Traité Pirkei Avot ("Les Maximes des Pères"): lui aussi a su combattre et lutter pour conquérir la terre d'Israël.

Le roi David, qui avait une grande dévotion pour l'Eternel, est l'auteur des fameux Psaumes qui portent son nom. S'il était d'une grande humilité, nous savons que c'était lui aussi qui avait battu Goliath et valeureusement combattu pour construire le royaume d'Israël.

Nous constatons donc qu'à chaque fois qu'un leader sort du lot, il rassemble en lui des qualités à la fois spirituelles, mais aussi des aptitudes purement physiques et militaires mises au service de la préservation ou de la conquête de la terre d'Israël. Avant notre long exil dans les pays de la civilisation occidentale, le dernier exemple de ce genre de personnalité à haute stature, fut donc celui de Juda Maccabée.

A propos du mois de Kislev, le rav Kook écrit dans ses "Proverbes mensuels": "L 'éclair divin qui existait dans l'âme des Asmonéens a éclaté en étincelles. Lorsqu'elles se rassembleront en un seul flambeau, cet éclair se révélera à nouveau".

Les Asmonéens étaient des géants qui réunissaient en eux à la fois le courage et la vertu. Pendant l'exil, cette fabuleuse lumière pleine d'énergie a été dispersée en étincelles qui, beaucoup plus tard, ont été amenées à se réunir pour que l'éclair réapparaisse à nouveau.

N'est-ce pas en fait ce que nous constatons de nos jours ? Progressivement, ces étincelles se retrouvent en effet sur la terre d'Israël et concourent à former un être national complet qui réunit en lui ces deux précieuses dimensions.

source: vie juive.com